Archéomed, l'archéologie en milieu éducatif

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Abbaye saint Victor, Marseille: Compte Rendu de visite

 Sortie du 2 décembre 2017: la crypte de l’Abbaye de Saint-Victor

par Michel Fixot, historien et archéologue médiéviste,

a renouvelé par ses fouilles les connaissances sur l’abbaye de Saint-Victor.

 

 

St-Victor entrée.jpg
Par AbderitestatosTravail personnel, CC BY 3.0, Lien

 

 

Cliquez  ici pour voir les photos prises par Jean Rémy 

 

   Nous étions une vingtaine, ce samedi 2 décembre 2017 à avoir bravé les intempéries, la neige et le froid pour nous retrouver devant l’abbaye de St Victor, à Marseille, en compagnie de Michel Fixot, spécialiste des lieux, et qui a bien voulu nous accompagner dans notre visite.

   St Victor se trouvait, à l’origine, hors les murs, dans une situation suburbaine, comme le cimetière qui l’avait précédé et au milieu duquel s’est édifiée une première basilique paléo-chrétienne. La nécropole grecque se situait au niveau du bassin de carénage, en contrebas du site actuel de Saint Victor. On attribue la fondation de l’édifice à St Cassien, qui aurait fondé deux monastères à Marseille, un de femmes et l’autre d’hommes, mais leur emplacement n’a jamais été découvert. Le premier monastère dont on ait des traces date du VIIIe siècle, avant cela on n’a rien qui puisse indiquer qu’un monastère a existé, et Grégoire de Tour en parlant de Saint Victor, ne le qualifie jamais de « monastère ». A St Victor, aucune trace de tombeau, aucun vestige ne permet de penser que Cassien y a fondé un monastère, il apparaît bien que l’édifice ait été une basilique.

   L’extérieur semble homogène, mais c’est une illusion due à la couleur de la pierre. En réalité les différentes phases de la construction du bâtiment sont visibles : la « tour d’Isarn » constituée de trois niveaux, et dont le sommet est en appareil à bossage qui n’apparaît que vers la fin du XIIe siècle ; lui fait pendant une avancée qui correspond à un transept saillant, mais des fouilles montrent qu’elle n’est pas d’origine, puisque ce type de construction était réservé à des bâtiments prestigieux, sa date de construction doit être datée du XIVe siècle, après l’agrandissement du transept roman ; entre les deux une « obstruction » probablement post-médiévale, mais difficile à dater. Le chevet date du XIVe siècle, il a été décidé par Urbain V. De la même époque date la salle attenante à la tour d’Isarn. En face de la rue on voit les restes de la maison de l’abbé, qui s’appuyait sur la tour d’Isarn.

   Le site prend son origine sur une carrière. Une galerie de cette carrière, profonde, vers le sud, a servi de cimetière, puis il y a eu surélévation des lieux à l’époque paléo-chrétienne. Une tour-porche devait alors constituer une entrée monumentale, tour dont la base était à un niveau inférieur de celui d’aujourd’hui, elle devait donc paraître particulièrement haute. Tout le quartier autour était constitué de cimetières, ce qui explique la présence d’autres églises que St Victor (St Pierre, Ste Catherine).

   A l’intérieur, on pénètre dans la tour d’Isarn qui enchâsse le monument paléo-chrétien, c’était un espace fermé, à l’origine, qui ne communiquait qu’avec l’église. La voûte est une des premières sur croisée d’ogive, en Provence, mais romane, pas gothique. C’est une voûte dite « lombarde » : deux segments d’arcs se croisant grossièrement. Cet espace devait avoir une fonction funéraire (on a trouvé deux sarcophages à l’intérieur. Un sarcophage est un « réemploi de réemploi » de l’antique, datant du Moyen Age, une plaque commémore la mort de marins pisans ayant combattu les Maures aux Baléares. On peut donc voir dans cet espace une sorte de mausolée.

   Les parties les plus anciennes de l’église elle-même sont les parties les plus anciennes sont celles situées le long de la tour d’Isarn, au nord. La tour-porche (vers 1150) perdant sa fonction de porte d’entrée vers 1180, quand la basilique devient monastère, de nombreuses ouvertures sont obstruées. Le mur nord et le transept sud sont romans, alors que le reste est gothique, de la première moitié du XIIIe siècle. L’ambition architecturale a parfois été contrariée : colonnettes qui ne soutiennent rien), il a fallu composer avec un sous-sol compliqué (carrière, crypte), d’où des soubassements de colonnes problématiques, des décalages entre les piliers… Au XIVe siècle, le transept est « rhabillé » à l’extérieur et le chœur est construit. Les murs sont massifs, les ouvertures rares et modestes, cela s’explique par un souci défensif, mais on est aussi dans les premiers temps du gothique, les grandes baies n’existent pas encore. Un sarcophage des Ve/VIe siècles destiné à une jeune femme de la haute société, découvert en 1970, est visible dans la travée sud.

   Une passerelle permet de voir d’en haut le « sanctuaire » qui se trouve au sous-sol, alors que les traces de l’ancienne entrée de l’église par le cloître sont encore visibles. Il faut donc noter que la seule entrée se faisait par l’intérieur du monastère, et qu’on ne pouvait y accéder par l’extérieur.

 

 

   Nous accédons ensuite à la crypte, partie plus volumineuse que l’église supérieure et particulièrement complexe. Au nord, on se trouve au niveau de la base de la tour d’Isarn, porte monumentale bouchée avec la transformation de la basilique en monastère. Un mur roman court sur des arcades sur toute cette partie nord. On peut voir là la carrière antique, avec des vestiges grecs, carrière utilisée des IVe/IIIe siècles avant JC aux IIIe/IVe siècles après JC. Cela fait très long pour une exploitation de carrière à cet endroit… Le cimetière paléo-chrétien qui y a pris place a peut-être succédé à un cimetière grec précédent. Un enclos funéraire antique a été découvert ici : une area avec un sarcophage au centre. D’autres sarcophages se trouvaient sous la rue Sainte, au nord.

   Sous la tour d’Isarn, la porte paléo-chrétienne donnait sur un couloir menant à trois nefs aboutissant elles-mêmes au « sanctuaire ». Tout le long, à l’est, la carrière se prolonge, avec présence d’une chambre funéraire ayant donné lieu à un pèlerinage, probablement une chambre funéraire martyriale. Au Moyen-Age on réorganise cet ensemble nord-sud dans un sens est-ouest, ce qui oblige à des percées dans les parties paléo-chrétiennes. Au sud, on aboutit donc au « sanctuaire », de plan carré, sur trois niveaux, avec tribune au deuxième niveau et galerie au troisième. Un décor de mosaïque est encore visible, alors que des stucs ornent une arcade. Tout en haut du sanctuaire, dans la partie médiévale, une grande baie permettait de faire entre la lumière. A l’ouest on peut voir le front de taille d’une carrière médiévale.

   Un petit passage mène à la chapelle St Lazare. C’est une chambre funéraire qui s’ouvre dans le prolongement de la carrière primitive. C’est du front de taille, au nord, que l’on entrait dans cette chapelle. A partir de cette chambre funéraire, on a construit une crypte, une sorte de chapelle rupestre. Un « vestibule » en marque l’entrée, suivi d’un petit collatéral avec colonnette monolithe et représentation, un peu brute, d’un évêque.

   La remontée à la surface nous a conduit dans la salle contiguë à la tour d’Isarn, qui présente des traces de plancher, et un autel-table paléo-chrétien de remarquable facture. A l’extérieur, au sud, les traces du cloître sont encore visibles, ainsi que celles de bâtiments disparus : chapelle, réfectoire… Mais la nuit tombant, un petit air glacial et une certaine fatigue bien légitime après ce beau périple dans les entrailles géographiques et historiques de Marseille, ont eu raison de notre envie d’écouter M. Fixot, pourtant bien forte encore, et chacun a regagné ses pénates.

Il faut remercier encore une fois notre guide pour cette passionnante visite.

 

Compte rendu de Jean Rémy.



05/01/2018

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