Archéomed, l'archéologie en milieu éducatif

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samedi 22 juin 2013 : villa de Tourville/ musée d'apt

SAMEDI 22 juin 2013

la villa de Tourville

et le musée d'Apt

 

 

 

Entre vin et huile:

 

un domaine agricole antique, la villa de Tourville

 

Période difficile que cette fin du mois de juin, entre les dernières réunions de l'année et les premières grosses chaleurs estivales. C'est donc vraiment le dernier carré d'ArcheoMEd qui s'est retrouvé samedi sur le site de la villa de Tourville, près d'Apt, pour écouter les explications passionnantes d'André Kauffmann. Sous son grand chapeau de paille, avec compétence et décontraction, il a su démêler pour nous l'écheveau des vestiges à peine protégés par un simple grillage.

André Kauffmann

 

Une découverte fortuite

 

Rien ne laissait prévoir la présence d'une villa sur ce terrain. Il a fallu le démarrage d'un projet de construction en 1998 pour que, sous le godet des pelles mécaniques, remontent pierres et tegulae - et qu'un passant un peu curieux donne l'alerte. C'était un peu tard, et au vu de ce qui reste aujourd'hui, on se prend à rêver de ce qu'on visiterait si l'alerte avait pu être donnée plus tôt.

 

Les éléments classiques d'une villa gallo-romaine...

 

-des thermes

 

des pièces de service, une juxtaposition de cours et de bâtiments divers,

et surtout le chai : deux terrasses pour le pressage du raisin avec écoulement du jus dans un dolium,


un grand entrepôt où s'alignent quatre rangées de dolia enterrés.


 

Et puis une forge, des appentis ou galeries couvertes, une meule pour le broyage des olives ...


 

...mais des éléments rares ou nouveaux:

 

-des éléments d'un système de production et de répartition d'eau chaude en bronze et en plomb dont on ne retrouve en principe jamais les traces (le métal est toujours systématiquement récupéré),

 

-peut-être un système de pompe pour alimenter le frigidarium en eau froide


 

-l'organisation impressionnante de l'espace culinaire


avec banquette le long des murs (une trentaine de places), et une véritable batterie de modes de cuisson (trois fours en cloche, dont l'un de deux mètres de diamètre, et un foyer central au sol, rectangulaire, avec supports de broche)


 

Des interrogations

 

-où se trouvait la "pars urbana"(triclinium, tablinum, chambres...)? Ces pièces d'habitation étaient-elles décorées de peintures, de mosaïques? On ne le saura sans doute jamais, les engins mécaniques étant passés par là.

 

-comment expliquer l'absence totale de céramique dans l'espace culinaire ? peut-être mangeait-on dans de la vaisselle en bois (évidemment détruite lors du grand incendie).

 

Où il est question de vin...

 

-le chai est bien visible, bâtiment de vingt-trois mètres sur six, avec ses alignements de dolia aux trois quarts enfoncés dans le sol. Les fouilleurs ont évalué la capacité de stockage entre 50 et 80 000 hectolitres, ce qui est une jolie production, mais pas un record pour l'époque (souvenez-vous de la villa des Toulons à Rians, en novembre 2011).

 

...mais d'huile aussi...

 

-la présence d'un "trapetum" (pour le broyage des olives) rappelle que l'oléiculture est l'un des piliers de la production agricole antique. Mais sa position contre un mur suggère un abandon (pour le faire fonctionner, il faut tourner autour). Et il faut croiser ici cette information avec ce qu'on sait des deux grandes mutations du site, la première autour de l'an zéro, la seconde vers 200.

 

... et du grand incendie de 270

 

-de nombreux éléments attestent une destruction par le feu: les trous d'encastrements rubéfiés des seuils en bois, le mode d'effondrement des bâtiments (le toit d'abord, l'étage ensuite, ce qui produit une stratigraphie inversée; la position des tuiles, en périphérie des pièces)...

 

Quant à la date étonnamment précise de 270, c'est la chronologie des monnaies qui permet de la proposer.

 

A. Kauffmann précise qu'il y a eu en fait au moins deux incendies: le premier dans le courant du IIIe siècle, n'a pas eu d'autre conséquence que le réaménagement partiel du chai; c'est le second, vers 270, qui a provoqué l'abandon définitif du site.

 

Que se passe-t-il après?

 

On trouve quelques traces ponctuelles d'occupation: celles classiques de la récupération des matériaux de construction. Plus original: dans le frigidarium, un petit four lié à la récupération d'éléments métalliques, à la fin de l'Antiquité. A partir du Moyen-Âge, le terrain est en culture (traces d´alignements de plantation). D'autres traces plus récentes trahissent peut-être le passage d'un "amateur de curiosités" local au XIXe.

 

Le parti-pris de la restauration

 

La mise en valeur du site passe par le remontage partiel des murs au mortier, avec du bilim pour différencier les parties authentiques de celles refaites. On n'est ni dans la restauration lourde (voir le café-archéo de 2012), ni dans l'invention du paysage (voir colloque de St. Blaise mai 2013).

 

 

 

Dans le dédale obscur des caves

 

Après le site brûlant de soleil, cap sur Apt et surtout le musée, dont la fraîcheur est revivifiante. Le bâtiment, qui fait l'objet d'un projet de restauration, est fermé au public. Etrange impression que de traverser toutes ces salles désertes, de contempler ces vitrines poussiéreuses qui attendent en vain les visiteurs absents... On franchit une petite porte, on s'enfonce dans les entrailles de l'ancienne cure, escalier aux marches raides, barreaux en forme de soupirail, on s'attendrait presque à d'effrayantes apparitions... Et puis, en bas, voici qu'en travers de la haute cave se dresse un mur en petit appareil, construction en une courbe impeccable: le théâtre d'Apta Julia. Nous en avions déjà visité quelques vestiges avec Patrick de Michèle, mais le charme se répète: cette construction monumentale qui surgit de l'abîme au milieu de vieux murs mal appareillés couverts de salpêtre, un moment fort.

 

 

 

Et pour terminer, une bière bien fraîche

 

Une terrasse ombragée dans la vieille ville, une bière, une glace, une boisson pétillante, quoi de plus agréable que ces instants de détente avant de se séparer?

 

Rendez-vous à l'automne pour les prochaines visites.

 

Jean Pierre Pillard

 



 



28/05/2013

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